Etre mère est une mission qui requiert un bon nombre de commandements, insufflés par la société :
“Parfaite tu seras pendant et après ta grossesse”, “tu ne te plaindras point de tes douleurs mais au contraire tu te réjouiras”, “tes émotions tu gèreras en toutes circonstances”.
Pour l’avoir vécu 3 fois pour ma part, je peux témoigner que se préparer à être mère, n’est pas de tout repos. Et du repos, justement, il va vous en falloir… Et à profusion.
Car pendant une durée indéterminée, ce corps que l’on semblait connaître, que l’on a mis à l’épreuve d’expériences, plus au moins bénéfiques, semble souffrir d’amnésie, concernant certaines clauses d’exclusivité, du contrat signé entre vous et lui. Face aux besoins pressants de ce petit être qui pousse en nous, c’est la panique intérieure.
Oui, oui, oui, on troque la gestion du mental contre une hypersensibilité étrangère. Des maux et des mots inconnus, des envies et des besoins improbables, à tous les niveaux possibles de notre existence.On devient un autre soi complètement inter-dépendant de différents vecteurs, dont on ne connaît pas l’équation.
Mais où veut-il en venir ce corps ?? Il a tout et pourtant il en veut plus!!
Fort heureusement, il y a des moments merveilleux pendant la grossesse, mais pour être complètement transparent, il faut parler du reste. C’est cette zone d’ombre qui est à l’honneur. Parce qu’en fait, c’est cette partie qui dérange. Car maternité devrait rimer avec fécondité, gaité, vivacité, beauté et bien d’autres. Mais il faut aussi admettre que cela rime parfaitement avec morosité, ambiguïté, difficulté, complexité.
Les hormones nous malmènent, en faisant ressortir parfois le bêtisier de l’incohérence. Nos partenaires subissent nos changement soudains d’envie. “Finalement, je ne veux plus de sushis” J ai froid puis chaud devient « j’ai frchaud ». Non puis oui devient « noui », « j’t’avais dit du beurre demi sel de marque Président ! “Oui je sais ! D’habitude je ne mange que tu doux et alors !” ” Quoi ! Il n’y a plus de pastèque ???!”. Quelle blague.
Bref, autant d’incohérences et d’obsessions parfois difficiles à gérer car nos émotions semblent exacerber nos sens. Nos sens sont en éveil total, avec tout ce que cela comporte comme changement émotionnels et physiques.
Un cri de bébé, l’odeur d’un aliment, la simple prononciation d’un mot associé à notre imagination peut déclencher une montée de lait, des nausées, des vomissements. Le blues aussi. (Non non, pas le style musical). Mais plutôt un état dépressif sans comparaison possible, passager ou non, dont il est difficile de refaire surface.
En effet, c’est comme si on se retrouvait sur un fil, tel un funambule et que le moindre faux pas coûterait très cher.
Mais pourquoi est-il si difficile d’exprimer l’envers du décor dans la grossesse ?
Mais pourquoi est-il si difficile d’exprimer ce que l’on vit de pas « très glamour » ?
Une des raisons qui m’est apparut est que premièrement, la société nous a soigneusement appris à contenir nos émotions. Et oui, on nous chante la même chanson depuis des lustres sans relâche : « Plus tard, tu auras un mari, à qui tu feras de bons petits plats, tu auras des enfants dans ta jolie maison et tu seras heureuse, tu verras !»
Ouais, c’est ça ! Ben il est là le souci. On nous apprend que pour être heureuse il faut avoir et pas être.
Pression oblige, la quête du bonheur devient une chasse au trésor.
Deuxièmement, certaines femmes cherchent à être comme toutes les autres. C’est ce qu’on leurs a enseignées. Elles veulent donc un bébé, pour avoir un sentiment d’appartenance, à un cercle. Et ressentir, comme les autres, le bonheur d’être mère. Mais elles découvrent plus tard que n’est pas mère qui veut.
D’autres femmes se refusent cette programmation, de peur de reproduire, inconsciemment ou consciemment, le schéma parental. Pour des raisons qui leur sont propres. Même si au fond d’elles, il leurs arrivent de penser secrètement le contraire. Ou d’être des mères de substitution dans leur entourage.
Il y a aussi celles qui pensaient déjà à ça au collège et qui, au fil des années, ont développé cette fibre maternelle avec leurs nièces, cousines, sœurs, filleules. Avec une satisfaction telle, qu’elles s’interrogent en silence sur leur capacité à être une bonne mère, le jour où elles auront le leur.
Et puis, il y a les “executives women” : la carrière passe avant tout et c’est leur choix! Elles bossent et consacrent leur vie au travail. Elles ne jurent que par lui. D’ailleurs, ill est leur essentiel jusqu’à ce que dans leur vie très bien disciplinée, surgisse l’effet spécial auquel elles ne s’attendaient pas : la grossesse.
Le vol des intentions de la femme enceinte
Quoiqu’il en soit, la vie d’une future maman sent souvent la rose mais pas toujours. Entre ce qu’elle pense à travers ses doutes, questionnement et réjouissances. Et ce que les autres disent, suggèrent, recommandent, accaparent, jugent, prévoient, médisent et projettent. Elle ne sait souvent plus ou donner de la tête, face aux attentes des autres. Au point de ne plus savoir, quelles sont les siennes.
« Tu verras, après les 3 premiers mois, ça ira », « tu vas allaiter n’est ce pas? », « manges pas ceci ou cela », « tu vas l’appeler comment ? », « Tu ne fumes plus là ? », « tu voyages encore ? » etc.
J’ai envie de dire qu’il est grand temps que la femme qui s’apprête à devenir mère, prenne allègrement le droit de revendiquer son style. Et de dire tout l’inconfort qu’elle vit et ce, en toutes circonstances.
Bien entendu, le but n’est pas de pleurer sur son sort quotidiennement. Mais au contraire, de démystifier ces petits inconforts, qui sous louent notre corps, sans vergogne. Et cesser de participer à une illusion entretenue depuis trop longtemps.
Wake up ! On n’a jamais vu Cendrillon ou Blanche Neige enceintes. Il y a bien une raison : ce sont des poupées de dessins animées : High level pour elles !
Effectivement, être enceinte c’est une joie, mais pas que ! Et j’ai le droit d’être heureuse et émotionnellement « border line » le jour d’après.
Il est clair que si les femmes ne se sentaient plus esseulées dans cette situation, elles s’octroieraient le droit de vivre ces 9 mois, différemment. Et plus sereinement.
Elles oseraient verbaliser clairement, ce qui les préoccupent. Plutôt que de faire bonne figure devant le tout public.
Alors qu’au fond, certaines ont envie de pleurer, de crier, de s’abandonner, face à un miroir sans expression, sans teint. Elles voient les autres mais « les autres » ne les voient pas, telles qu’elles aimeraient être perçues. Leur sensibilité, fragilité et fébrilité crie silencieusement « au secours ».
Il faut convenir que ça n’intéresse pas toujours d’écouter pour comprendre. C’est tellement plus facile de juger, en renvoyant une image du genre « t’as voulu, te plains pas maintenant ! ».
Alors on met le masque du « tout va bien ». Et on pense à nos vrais sentiments le soir dans notre lit avec une insomnie qui veille.
Dans ces moments là, une oreille qui vous écoute simplement, ça vaut tout l’or du monde.
On vit un tel changement intérieur pendant ces 9 mois, qu’il faudra autant de temps après l’accouchement pour se reconstruire.
Et je parle bien de reconstruction. Car après cette délivrance, nous ne serons plus jamais celles que nous avons été.
Il nous faut alors être en quête de celle que l’on ne connaît pas encore : une version 2.9 de celle que nous étions avant. Avec des aptitudes en plus et d’autres pas totalement téléchargées.
Pas évident d’intégrer que ce petit être, certes, complètement dépendant de nous, va contribuer à nous amener à notre connaissance de soi. Ou a l’oubli de soi. Selon nos choix.
De plus, on subit également une amnésie de la douleur de cette épreuve, qu’il nous est impossible de lui donner une note sur une échelle de 1 à 100. (Ben oui, du coup… on remet ça pour la plupart ahah !).
Comme si simultanément notre mémoire s’endommage face à cet événement si particulier.
On ne sera plus jamais seule et l’inconnu est aux pieds de notre for intérieur.
On est comme happé par la volonté de bien faire en qualité de mère, souvent en qualité d’épouse aussi. Et la barque prend le large, sans que l’on ait sentie qu’elle ait quitté le bord.
C’est tellement facile de se perdre en tant que femme. Et on se perd plus ou moins longtemps, avec l’envie de se retrouver aussi. Si quelqu’un nous regarde en vérité.
Néanmoins, le parcours peut être éprouvant car tout le monde n’a pas une « marraine fée » qui veille au dessus de leur tête.
Pour les plus chanceuses, quelqu’un sera là pour elle. Et pour les autres ? Ce sera seules qu’elles relèveront un genou à terre.
Mais dans les deux cas, la souffrance de ne plus savoir qui l’on est, peut fatalement entrainer le corps et l’esprit dans une spirale infernale du tourment et de la « tristesse cagoulée ». Elle frappe à la porte insidieusement : « Bonjour, je m’appelle la dépression pré op. Je me joins à vous pour une durée indéterminée et vous préconise de lever les mains en l’air, face contre terre. Laissez-vous faire et tout se passera mal. Ceci est un holdup ! »
On ne revient pas de cet enfer indemne. Elle laisse des traces cette fichue braqueuse. Un trou béant qu’il va falloir refermer.
Après son passage, il ne suffit pas de se dire que ça va aller.
Qu’on ait enfantée ou pas, accueillir un enfant, être mère est une opportunité pour soi de progresser et de transmuter, en profondeur, pour prendre une dimension salvatrice.
Il faudra prendre l’escalier pour remonter la pente car l’ascenseur ne fonctionnera pas.
Alors on rassemble des petits bouts de nous comme on peut, et on essaye de refaire le puzzle. Peine perdue.
Il faut créer et laisser le passé ou il était … Mais on fait ça comment ???
Peut être en commençant par comprendre quelles souffrances non exprimées notre âme a voulu afficher, par le biais de notre corps qui pleure et pleure. Et quand on a compris, on peut enfin trouver une clef qui nous libère de cette tempête.
Puis on reste vigilante pour soi et c’est déjà bien assez comme ça. On peut enfin se regarder dans le miroir, qui nous renvoie une image dépourvue de tout apparats, de toute futilité, de toute superficialité.
La guérison est alors possible, plausible. Les nuages gorgés de pluie laissent place aux éclaircies qui réchauffent le cœur.
Si la grossesse dure 9 mois, peut être que c’est un signe qu’il faille faire peau neuve, pour atteindre notre plein potentiel.
Ce temps à mi-chemin, entre le paradis et l’enfer pré natal et le post partum, laisse place à la question devant le miroir : “Qui suis-je ? “
La réponse est « je ne suis pas Wonder woman mais je vais m’aider de sa cape pour ressusciter. Je vais faire la super héroïne, mais je vais être moi-même. Car je m’autorise à faillir et à réussir. Mon but ultime n’est pas d’être parfaite, mais être heureuse.
Etre mère et femme est un défi envers nous même difficile à relever. Cependant, l’un ne saurait vivre au détriment de l’autre. L’une puise sa force dans l’autre. L’une protège l’autre. Elles cohabitent et coexistent dans le même corps avec des cicatrices laissées, par les expériences de la vie.
On avance fièrement qui l’on est, avec conviction qu’on est parfaitement imparfaite et c’est très bien comme ça.
Il y a une phrase de Léo Buscaglia que j’aime beaucoup qui fera office de phrase de conclusion : « On comprend aussi que derrière tout véritable apprentissage, l’évolution en est le but ultime ».
Rappelez vous : avant d’être mère, vous êtes femme. Honorez les deux !
Alors. Etes vous prêtes à faire ce pas en donnant la juste valeur à votre renaissance ?